Outfit.

Dimanche 3 janvier 2010 à 17:54

Noirs de loupe, grêlés, les yeux cerclés de bagues
Vertes ; leurs doigts boulus crispés à leur fémur,
Le sinciput plaqué de hargnosités vagues
Comme les floraisons lépreuses des vieux murs.

Ils ont greffé, des dans amours épileptiques,
Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs
De leur chaise ; leurs pieds aux barreaux rachitiques
S'entrelacent pour les matins et pour les soirs.

Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leur siège,
Sentant les soleils vifs percaliser leur peau
Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges,
Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.

Et les Sièges leur ont des bontés ; culottée
De brun, la paille cède aux angles de leurs reins.
L'âme des vieux soleils s'allume emaillotée
Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.

Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes,
Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour,
S'écoutent clapoter des barcarolles tristes,
Et leur caboche vont dans des roulis d'amour.

- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage ...
Ils surgissent, grondant comme des chats giflés,
Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage.
Et tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.

Et vous les écoutez, cognant leur tête chauve
Aux murs sombres ; plaquant et plaquant leurs pieds tors,
Et leurs boutons d'habits sont des prunelles fauves
Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !

Puis, ils ont une main invisible qui tue :
Au retour, leur regard filtre ce venin noir
Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue,
Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.

Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales,
Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever
Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales
Sous leur menton chétif, s'agitent à crever.

Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières,
Ils rêvent sur leurs bras de sièges fécondés
De vrais petits amours de chaises en lisière,
Par lesquels de fiers bureaux seront bordés ;

Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgules
Les bercent, le long des calices accroupies
Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules
- Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.

-Arthur Rimbaud-

Par Uber Code Promo le Samedi 5 septembre 2015 à 21:04
Avez vous un lien pour que je puisse télécharger l'article en PDF ?
Par serrurier paris 15eme le Lundi 7 septembre 2015 à 5:37
Excellent article je vous soutient .
 

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